Contes du Moyen Atlas : Title : Aït Ishaq, la superstitieuse,...
Category : Chronique du passé
Contents : Outre les espiègleries de l'enfance, nous gardons, pour toujours, des souvenirs très marquants de ces hauts-lieux du Moyen-Atlas, où nous avions vécu une phase importante de notre puérilité pure, naïve et limpide.
Zaouyat Aït Ishaq,
Coin, presque perdu, du Maroc profond, où le Temps n'avait pas la même notion, comme partout ailleurs. Tout y relevait du mythe.
Les Sept collines où perchaient des mausolées rustiques, parfois délabrés, de quelques marabouts, dont on ne savait rien, ni d'où ils venaient, ni de la nature de leur *Baraka*, sauf les noms qui les distinguaient : Sidi Mimoun, Sidi Zekri, Sidi Ishaq,....
Comme par hasard, tout autour de chaque édifice "sacré" il y avait son propre cimetière et que la bourgade rassemblait des gens de tribus diverses.
Une fois, on creusa un tombeau pour y ensevelir un vieillard qui vint de mourir. On allait le mettre dans le trou, quand un des vieux sages tribaux vint s'interposer, en laissant comprendre à l'assistance funèbre que le mort n'appartenait pas à telle tribu et par conséquent sa place n'était pas dans ce cimetière, il fallait lui creuser un autre trou, plus loin, sur le versant de la colline qui dominait l'entrée du village, ce qui fut fait sans faute, mais non sans difficulté.
Par ailleurs, près des mausolées, il y avait toujours quelques vieux oliviers sauvages qui frappaient le regard du visiteur étranger des lieux par les morceaux de toile de toutes les couleurs, suspendus des branches, des amulettes, parfois même, quelques tresses de cheveux de petites filles ou de jeunes filles vierges,...ou de femmes veuves en détresse,....
À l'intérieur des bâtisses, près du tombeau en terre du dit marabout, étaient déposées quelques bougies, pas toutes droites, à cause de la chaleur et du temps qu'elles durent passer là, par moment, on trouvait quelques pièces d'argent, déposées en offrandes pour avoir la bénédiction du Saint.
Ainsi, malgré l'arrivée de l'islam, il y avait toujours la persistance de ces croyances païennes du pré-Islam dans ces contrées lointaines, contrairement aux grandes Cités, aux centres urbains où la civilisation prenait forme avec le temps qui changeait et passait.
Bien que les habitants de la Zaouyat n'aient été pas tous des descendants des tribus environnantes et quoique la route secondaire (sur 7 km) ait été reliée (par les Colons) à la route principale qui allait de Fès à Marrakech via Khénifra et Béni Mellal, la population semblait vivre en autarcie sinon recluse sur elle-même, au dam du Makhzen, tout un univers de superstitions étalait son ombre sur l'esprit des gens. Tout un brassage des trois religions(l'islam, le Judaïsme, le Christianisme) et le paganisme ouvraient l'esprit à des horizons mystiques insoupçonnables où la magie, la sorcellerie, la métaphysique l'emportaient plus sur tout autre chose.
On entendait parler de déambulations nocturnes de la mythique "Mule des tombeaux" qui passait la nuit durant à visiter le patelin, d'une rue à l'autre, frappant la porte de l'un, griffonnant la fenêtre de l'autre et le lendemain, la nouvelle circulait qu'un tombeau aurait été profané la veille, qu'une main ou un bras ou avant bras de mort fut découpée ou arrachée.
On savait que les filles de joie se consacraient à certaines pratiques sataniques.
Ces filles de joie ( "animatrices sociales", aujourd'hui!) faisaient peur par le tatouage qu'elles portaient sur le visage et à l'avant-bras et par toutes ces histoires extraordinaires tissées autour de leur personne et de leur vie, en général. Pourtant, elles n'étaient pas toutes "sorcières" ni amies du "D'jin". Elles étaient bonnes et généreuses, humaines et serviables. Elles tissaient de très bonnes relations avec les voisins, avec des familles notoires et respectées et même compatissantes envers les personnes défavorisées. D'où elles finirent par gagner le respect de tous!
Certes, quelques-unes parvinrent même à devenir des Divas de la région, sinon du pays en entier. Elles marquèrent leur époque, une fois devenues "Chikhates". les maisons de disques se les disputaient !
Ce fut le temps des radio-transistor et des radio-cassettes !
Abdelmalek Aghzaf , Fès, le 13/01/2013.
Created : 2013-01-13 09:53:30
Edited : 2013-01-13 10:52:16
Category : Chronique du passé
Contents : Outre les espiègleries de l'enfance, nous gardons, pour toujours, des souvenirs très marquants de ces hauts-lieux du Moyen-Atlas, où nous avions vécu une phase importante de notre puérilité pure, naïve et limpide.
Zaouyat Aït Ishaq,
Coin, presque perdu, du Maroc profond, où le Temps n'avait pas la même notion, comme partout ailleurs. Tout y relevait du mythe.
Les Sept collines où perchaient des mausolées rustiques, parfois délabrés, de quelques marabouts, dont on ne savait rien, ni d'où ils venaient, ni de la nature de leur *Baraka*, sauf les noms qui les distinguaient : Sidi Mimoun, Sidi Zekri, Sidi Ishaq,....
Comme par hasard, tout autour de chaque édifice "sacré" il y avait son propre cimetière et que la bourgade rassemblait des gens de tribus diverses.
Une fois, on creusa un tombeau pour y ensevelir un vieillard qui vint de mourir. On allait le mettre dans le trou, quand un des vieux sages tribaux vint s'interposer, en laissant comprendre à l'assistance funèbre que le mort n'appartenait pas à telle tribu et par conséquent sa place n'était pas dans ce cimetière, il fallait lui creuser un autre trou, plus loin, sur le versant de la colline qui dominait l'entrée du village, ce qui fut fait sans faute, mais non sans difficulté.
Par ailleurs, près des mausolées, il y avait toujours quelques vieux oliviers sauvages qui frappaient le regard du visiteur étranger des lieux par les morceaux de toile de toutes les couleurs, suspendus des branches, des amulettes, parfois même, quelques tresses de cheveux de petites filles ou de jeunes filles vierges,...ou de femmes veuves en détresse,....
À l'intérieur des bâtisses, près du tombeau en terre du dit marabout, étaient déposées quelques bougies, pas toutes droites, à cause de la chaleur et du temps qu'elles durent passer là, par moment, on trouvait quelques pièces d'argent, déposées en offrandes pour avoir la bénédiction du Saint.
Ainsi, malgré l'arrivée de l'islam, il y avait toujours la persistance de ces croyances païennes du pré-Islam dans ces contrées lointaines, contrairement aux grandes Cités, aux centres urbains où la civilisation prenait forme avec le temps qui changeait et passait.
Bien que les habitants de la Zaouyat n'aient été pas tous des descendants des tribus environnantes et quoique la route secondaire (sur 7 km) ait été reliée (par les Colons) à la route principale qui allait de Fès à Marrakech via Khénifra et Béni Mellal, la population semblait vivre en autarcie sinon recluse sur elle-même, au dam du Makhzen, tout un univers de superstitions étalait son ombre sur l'esprit des gens. Tout un brassage des trois religions(l'islam, le Judaïsme, le Christianisme) et le paganisme ouvraient l'esprit à des horizons mystiques insoupçonnables où la magie, la sorcellerie, la métaphysique l'emportaient plus sur tout autre chose.
On entendait parler de déambulations nocturnes de la mythique "Mule des tombeaux" qui passait la nuit durant à visiter le patelin, d'une rue à l'autre, frappant la porte de l'un, griffonnant la fenêtre de l'autre et le lendemain, la nouvelle circulait qu'un tombeau aurait été profané la veille, qu'une main ou un bras ou avant bras de mort fut découpée ou arrachée.
On savait que les filles de joie se consacraient à certaines pratiques sataniques.
Ces filles de joie ( "animatrices sociales", aujourd'hui!) faisaient peur par le tatouage qu'elles portaient sur le visage et à l'avant-bras et par toutes ces histoires extraordinaires tissées autour de leur personne et de leur vie, en général. Pourtant, elles n'étaient pas toutes "sorcières" ni amies du "D'jin". Elles étaient bonnes et généreuses, humaines et serviables. Elles tissaient de très bonnes relations avec les voisins, avec des familles notoires et respectées et même compatissantes envers les personnes défavorisées. D'où elles finirent par gagner le respect de tous!
Certes, quelques-unes parvinrent même à devenir des Divas de la région, sinon du pays en entier. Elles marquèrent leur époque, une fois devenues "Chikhates". les maisons de disques se les disputaient !
Ce fut le temps des radio-transistor et des radio-cassettes !
Abdelmalek Aghzaf , Fès, le 13/01/2013.
Created : 2013-01-13 09:53:30
Edited : 2013-01-13 10:52:16
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